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« Et alors le sexe après l’accouchement, ça se passe comment ? » Moi, six semaines après avoir accouché: « Euh… » Ce « Euh » de la honte, ce « Euh » qui n’ose pas avouer que ce n’est pas du tout ma priorité du moment, ce « Euh » hésitant qui cache tant.
Je voudrais oser dire qu’en ce moment, je cherche à comprendre mon bébé, à créer des bulles d’air dans cette noyade continue dans le quotidien. J’aimerais réussir à dire à un professionnel de santé que mon ventre est encore mou, qu’il pend. Que j’ai déjà tellement de mal à l’appréhender moi-même qu’il est inimaginable de laisser mon mari y poser la main. J’aimerais lui dire que ma poitrine explose de lait, que je me trouve épouvantable et que je me demande si je vais un jour redevenir désirable. Mais aussi que mon vagin a été un hall de gare, le lieu de passage de trop de médecins, internes et infirmières qui y sont allés de leurs commentaires. Qu’il est difficile de me réapproprier ma propre intimité.
Ce « Euh » perdu qui ne sait plus très bien par où commencer. Reconquérir mon propre corps, exister en tant que femme plutôt qu’en tant que mère, oser envoyer des signaux à mon mari, arrêter de réserver ma tendresse à mon bébé,…et trouver l’énergie et le moment. Perdu aussi dans les mécanismes de mon corps. Ces cycles que je comprenais, les signaux que je savais lire ; aujourd’hui, tout est bouleversé, je ne sais plus du tout où mon corps en est. Ce « Euh » voudrait pouvoir poser des questions dont les réponses occupent les manuels de SVT de notre adolescence.
Ce « Euh » terrorisé qui ne sait pas si après avoir accouché, elle va avoir mal (ce qui pourrait aussi blesser son mari), qui ne sait pas comment se montrer nue avec ce nouveau corps, qui ne sait pas si son époux pourra redevenir un amant, qui ne sait d’ailleurs même pas si lui en a envie. Ce « Euh » qui voudrait dire ses appréhensions à une gynécologue ou tout simplement à son conjoint.
Ce « Euh » qui doute d’elle-même, de ses capacités, d’être capable de se détendre, de se donner et de recevoir l’autre, sans repenser à l’accouchement, à la douleur ou à la position dans laquelle nous avons été vue/regardée. Qui doute qu’un couple s’aime avec la même passion avant et après avoir donné la vie. Qui ne croit pas aux « C’est comme le vélo, ça s’oublie pas ».
Ce « Euh » qui se demande si je suis « hors norme ». « Ah bon, je peux recommencer à faire l’amour ? », « Mais en moyenne, les gens recommencent à faire l’amour aussi tôt/tard après un accouchement ? », « Quelles que soient les conditions dans lesquelles s’est passé l’accouchement ? », « Mais quand le font-ils ? », « Est-ce que si je ne m’y remets pas maintenant, ça sera plus dur après ? » : toutes ces questions se bousculent dans ma tête et pas une seule ne passe le seuil de mes lèvres. Ce « Euh » se demande comment les autres font et voudrait se rassurer dans la comparaison, avec la terreur d’être différente.
Et le plus important : ce « Euh » qui est tellement pressé de répondre aux questions/besoins/ injonctions des autres qu’il oublie de se demander « Est-ce que j’en ai envie ? ». Pas « est-ce que je me sens prête ? », pas « Est-ce qu’il faut ? » ou encore « qu’est-ce que je risque ? » mais juste « Est-ce que j’en ai envie ? ». Est-ce que le désir ne devrait pas être la base de toute cette discussion ?
Ce « Euh » a honte de sa méconnaissance de son propre corps, de sa fragilité devant ce sujet, de risquer d’être en dehors de la norme.
Derrière mon hésitation, se cachent des montagnes de doutes et d’appréhensions. Vous ne les saisirez pas en me faisant monter sur une balance, en vous armant d’un spéculum ou en posant des questions cliniques. Non je n’ai pas « repris une activité sexuelle » et « Oui, j’aimerais qu’on en parle ».
En bonus, une vidéo de notre experte Flavie Taisne, sexothérapeute qui nous partage 5 conseils pour préserver l’intimité au sein de son couple !