Parler de belles histoires solidaires, cela vous tente-t-il ? Maman Vogue a rencontré Solenne et Jean de Maupeou qui vivent depuis 2 ans maintenant dans une coloc Lazare à Nantes, accompagnés de leurs enfants Joséphine (6 ans), Martin ( 4 ans) et Etienne (2 ans), avec également l’arrivée d’un petit quatrième prévu au printemps prochain ! Ne vous méprenez pas, ils ne vivent pas seulement avec leur petite tribu ! Ils ont choisi de vivre avec 14 colocs, des colocs pas comme les autres. On vous raconte leur expérience, l’impact sur leur vie de famille, leur vie de couple et la manière dont ils vivent cette belle aventure familiale et solidaire !
Jean : Lazare est une association qui fait cohabiter sous le même toit des anciens de la rue, des jeunes pros volontaires qui s’engagent pour un an et une famille responsable qui habite également sur place pour trois ans.
Solenne : La maison de Nantes est composée de 14 studios pour les colocs, avec chacun son espace de vie (kitchenette, chambre, salle de bain…). Nous partageons ensemble une vie collective avec notamment des temps partagés obligatoires, des temps de formation et deux week-ends de « maison ». Nous sommes tous les deux bénévoles dans cette mission. Jean exerce une activité professionnelle en plus de la mission. Tout le monde participe financièrement au loyer dans un souci d’équité et afin de responsabiliser chacun par rapport à la valeur d’un loyer.
L’esprit Lazare consiste à ne pas mettre de contrainte ni de pression aux colocs pour leur réinsertion professionnelle. La durée de l’engagement de la famille responsable pour 3 ans n’a pas été choisie de manière anodine ! L’objectif est d’assurer aux colocs une certaine stabilité dans le temps, car la reconstruction est un long chemin qui prend son temps. Contrairement aux logements sociaux ou aux structures d’urgence qui sont proposés, la coloc Lazare assure cette stabilité que la famille responsable incarne !
Jean : L’idée concrète des colocs Lazare est d’apprendre à vivre ensemble, de se reconstruire via l’amitié et de partager ensemble des temps de qualité tout en assurant une sécurité quant au logement pour les colocs qui arrivent. Les deux pièces communes de la maison, à savoir le salon et la salle-à-manger sont le lieu d’incroyables échanges.
Solenne : En 2020, à la sortie du confinement, avec Jean, nous avions la même envie : une envie simultanée de nous engager mais de nous engager au quotidien sur une mission de terrain à vivre en couple.
Jean : Pour nous, c’était forcément en France. On aime parler avec Solenne de « service du coin de la rue ».
Solenne : Finalement, nous avons décidé de discerner et réfléchir pendant 9 jours. A la fin de ces 9 jours, nous avons regardé une vidéo de Lazare sur un appel de fonds concernant une certaine coloc à Nantes qui était en train d’être créée. Justement, ils cherchaient une famille ! En 6 mois, nous avons déménagé de Lyon, vendu notre appartement, trouvé une école près de cette mission et nous sommes arrivés à Nantes avec nos deux enfants, un dans le ventre et nous avons commencé notre mission !
Jean : La famille est dans son entièreté dans la mission Lazare. Dès que l’on descend, que l’on revient de l’école, de la crèche ou que l’on revient avec des courses, on rencontre systématiquement un coloc ! Au début, je dirai que pour les enfants et la famille plus généralement, l’impact n’était pas celui auquel on s’attendait. Il a fallu quelques mois d’ajustements et de réajustements pour protéger la cellule familiale. Maintenant, on peut affirmer que cette mission impacte positivement nos enfants : ils adorent rencontrer les nouveaux colocs et ils sont très à l’aise avec les volontaires. Finalement nos enfants nous voient au service et en mission et ils en sont marqués inconsciemment !
Deux anecdotes me viennent à l’esprit. La première concerne l’anniversaire de Joséphine. Elle nous a dit « je vais inviter Fredo, Thomas et Cédric à mon anniversaire ». Ce sont les colocs ! Elle a ensuite parlé d’inviter ses amies, mais qui sont donc passées après les colocs.
L’autre histoire concerne Martin. La difficulté que Martin rencontre, c’est le surplus de monde. Nous avons été heureux de constater que Martin réussissait à partager ses sentiments sur ce sujet là. Lorsque nous sommes allés au week-end international organisé par Lazare, avec plus de 200 colocs, nous avons discerné avec Martin et nous avons choisi ensemble qu’il aille passer ce week-end là chez ses grands-parents. Lui était ravi et nous aussi de le savoir heureux ! En petit comité, il est ravi de partager un petit déjeuner avec un ou plusieurs colocs !
Solenne : La première année, les enfants ont été moteur pour moi dans mon approche et ma connaissance des colocs. Grâce à la spontanéité de mes enfants, j’ai appris à être avec les colocs. Les petits n’ont pas de filtre comme les adultes et fort heureusement ! Ils jouent facilement avec eux, font des checks… Ils ont une capacité à être généreux naturellement. Tout récemment, j’ai préparé des calendriers de l’Avent pour les colocs et mes enfants. Je n’avais pas eu le temps de finir ni l’un ni l’autre. Eux, ont trouvé la solution pour offrir à temps le calendrier aux colocs : Joséphine, qui avait deux Schoko-Bons dans sa réserve, a été heureuse d’en glisser un dans celui des colocs. Ils ne sont pas du tout sentis lésés que le leur ne soit pas terminé, seul le calendrier des colocs comptait.
Jean : Les deux grands aiment beaucoup descendre quand il y a un apéro à partager avec les colocs ! Alors, c’est sûr qu’il faut conjuguer la fatigue des petits et l’heure de l’apéro… Il faut également gérer le bruit des enfants quand ils sont avec nous. Les enfants aiment partager également des temps de jeux avec les colocs, un temps précieux pour les deux parties. Un jeu de cartes et hop c’est parti ! On a l’autorisation d’utiliser une cour d’école à côté de chez nous : c’est l’occasion pour les adultes de prendre un café dans un transat avec les enfants qui jouent à côté, puis de partager un temps de jeu avec un ballon, un cerceau, un jeu de Mölky ! Les messes sont également un temps partagé en maison.
Solenne : Notre fausse timide de Joséphine voulait être absolument là quand on a annoncé aux colocs et volontaires qu’on attendait notre petit quatrième. Même si elle ne voulait pas le dire elle-même, elle avait envie d’être là pour partager ce moment de joie avec eux ! Les week-ends maison sont aussi l’occasion d’un beau temps fort. On part avec enfants et colocs dans une maison que l’on nous prête. Pour les enfants, c’est l’occasion de mieux apprendre à connaitre les colocs, d’être dans le jardin avec eux, sur la plage… Une fois, nous avons fait de la rosalie à Noirmoutier. Sur la même rosalie, on pouvait trouver Xavier, notre coloc de 80 ans et Etienne notre petit bout d’un an. Une expérience mémorable pour tous !
Solenne : La vie en mission, quelle qu’elle soit, impacte sur la vie de couple. Déjà, tous les deux, on ne vit pas de la même manière la mission. Cette mission est un challenge à la fois individuel et à la fois en couple. La première année a été rude pour moi. J’ai vécu plusieurs étapes dans ma vie de femme et de maman qui n’ont pas été évidentes à vivre pendant la mission. J’ai ressenti un déséquilibre en couple : en tant qu’homme, la mission semblait plus fluide. Jean était à fond et tout se passait bien pour lui. Au début, j’ai trainé la patte ! Mais j’ai effectué un travail sur moi, sur mes freins, mes limites et mes peurs. Je me suis rééquilibrée pour vivre au mieux cette mission !
Jean : Lazare nous a appris à mieux communiquer entre nous, à partager nos émotions et nos ressentis. Dans certaines situations, nous ne l’avons pas fait et nous l’avons ressenti !! Lorsque nous avons dû prendre des décisions fortes, nous avons fait attention de bien communiquer en amont et la situation est devenue plus rapidement fluide. On continue tous les jours de s’améliorer !
Solenne : Par le biais de cette mission, j’ai (re)découvert plein de talents de Jean quant à l’organisation, la gestion de crise, sa capacité à être serein malgré la crise et à trouver du temps pour son boulot, sa famille, sa femme et les colocs bien-sûr !
Jean : La mission en solo aurait relevé de l’impossible ! Le partage avec Solenne me porte énormément. Solenne apporte un nouveau regard sur les choses, un regard plus profond avec un autre angle qui est extrêmement riche et précieux. Elle possède une écoute incroyable qui apaise et fait un bien fou pour les colocs et les volontaires. Son écoute porte la maison ! Avec Solenne, nous nous soutenons mutuellement avec des attentions particulières à certains moments ! Nous avons approfondi notre côté spirituel dans la prière. C’est sûr que cette mission aura révélé de nombreux talents au service du couple, de la vie de famille et de la vie auprès des colocs.
Solenne : Nous sommes complémentaires ! Le temps à deux, c’est un axe d’amélioration, on le sait ! Nous avons trois enfants en bas-âge, donc je pense que nous sommes comme tout parents, trouver du temps à deux, c’est compliqué ! On y travaille en se donnant des petits objectifs comme des temps de qualité au déjeuner !
Jean : Quand ils arrivent dans la maison, ce n’est pas toujours facile. Déjà, ils arrivent pour des raisons bien différentes. La famille fait du bruit et occupe l’espace. Il faut avoir en tête que les colocs ont connu la galère et bien souvent, ils ont connu une rupture familiale. Ils n’ont plus personne sur qui compter, ni famille, ni amis. Avec le temps, ils vont se rendre compte que l’amour est possible et que la famille représente une cellule forte. Je suis certain, après ces 2,5 ans de mission, qu’une famille au milieu de la mission est la clé de voûte du succès Lazare.
Solenne : Les enfants apportent la joie ! Beaucoup de colocs ne savent pas exprimer leur gratitude ni dire merci. Ils vont faire des cadeaux aux enfants… C’est leur manière à eux de montrer qu’ils sont heureux d’être là. C’est beaucoup plus facile de le faire auprès d’enfants que d’adultes. Une famille crée forcément une ambiance de famille et les colocs y sont inclus ! On a un peu l’impression de retrouver la famille quand on rentre : le grand-père grincheux qui va dire à Jean ‘tu n’es pas rasé’, la tante, l’oncle….
Jean : La famille fait ruisseler un esprit de famille sur la maison. D’ailleurs, entre eux, les colocs vivent une véritable fraternité, sans aucun lien de sang, en s’appelant « mon frère », « ma sœur »…
Solenne : La plupart des colocs sont fâchés avec leur famille. Et finalement après s’être stabilisés, ils se disent « pourquoi pas moi » ? Et ils reprennent contact avec leur famille ! On a quelques exemples ! Pourquoi ? Parce qu’ils ont une famille avec eux qui leur montre la voie !
Merci à Solenne et Jean pour leur beau témoignage !