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Le déni de grossesse est une situation méconnue encore et surtout mal perçue. Un grand merci à cette maman qui a accepté de revenir sur cette période douloureuse de sa vie et de témoigner pour Maman Vogue.
Rappelons d’abord qu’un déni de grossesse désigne l’attitude d’une femme qui ne se sait pas enceinte. Le déni est donc un phénomène inconscient de défense, une protection mise en place. Comme elle ne se pense pas enceinte, elle ne se ressent pas enceinte. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, elle ne simule pas ! Aussi incroyable que cela paraisse, malgré la présence du bébé, le corps ne change pas car il est entièrement contrôlé par le cerveau. La force de l’inconscient est telle qu’il s’exécute ! Les gynéco expliquent que les grands droits, les muscles verticaux de l’abdomen, se tendent et se renforcent pour que le profil de la femme ne se modifie pas. Ainsi l’utérus ne peut pas basculer en avant comme dans toute grossesse normale car il est face à un mur ! Il reste donc « debout » et le bébé s’installe à la verticale. Il a de la place et ne souffre pas de retard de croissance. Par ailleurs, les symptômes habituels de grossesse (nausées, prise de poids…) ne se manifestent pas toujours et s’ils apparaissent, ils sont interprétés différemment.
Il y a mille raisons de faire un déni de grossesse comme il existe mille histoires privées intimes. Notre société moderne prêtant encore peu d’attention à la dimension affective de la grossesse, aujourd’hui techniquement maîtrisée, voici l’une de ces histoires de vies de ces mamans qui ne sont pourtant « ni folles ni débiles » mais qui sont dans une situation réellement douloureuse.
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J’ai fait un déni de grossesse de 5 mois à l’âge de 20 ans, en 2011.
Je suis issue d’un milieu classique et traditionnel et à cette époque, j’étais cheftaine scouts et investie au sein de mon aumônerie. Tout comme mon petit ami, qui était lui aussi, catholique assez engagé dans l’Église, ancien scout et ancien de l’aumônerie. Je suis avec lui depuis longtemps. Nous avons des projets ensemble, nous avons les prénoms de nos futures têtes blondes. Nous voulons nous fiancer dans deux ans, à la fin de ses études, et nous marier dans trois ans. Nous voulons un bébé rapidement après le mariage… Tout cela, c’était nos projets, mais tout ne se passera pas comme cela…
J’ai découvert ma grossesse après mon retour d’un camp scout. Plusieurs symptômes étaient apparus mais j’avais une explication pour chacun d’eux… Je n’avais pas mes règles depuis trois mois : mais cela m’arrivait souvent, mes règles étant très irrégulières.
J’avais pris un peu de poitrine : ahhh il était temps !
J’étais assez fatiguée : oui mais il faut dire que mon petit ami était parti à Londres pour un stage et je déprimais. Ce qui expliquait aussi ma prise de poids et mon envie de manger…
Puis à mon retour de camp, mon ventre s’était quand même légèrement arrondi, et des questions se posaient autour de moi. Mon entourage proche sentait bien qu’il se passait quelque chose… Mais quoi ? Ce sont mes parents qui m’ont demandé de faire une prise de sang. Accompagnée de deux amies, je suis partie faire cette fameuse prise de sang. Et le résultat n’a pas mis longtemps à venir : Positif.
Là, tout se chamboule : ce n’est pas prévu, que va dire le papa, et ma famille, et sa famille, et les autres ?! La prise de sang me déclara enceinte de trois semaines, ce qui s’est avéré faux car j’étais enceinte de 5 mois en fait ! C’est donc à 6 mois que j’ai fais ma 1ère écho, me révélant qu’en fait j’allais accoucher dans 3 mois d’un petit garçon ! Coup dur et quelle joie : un petit garçon !
Après cela, tout se chamboule une deuxième fois. D’une naissance en février on passe à novembre… Avec mon fiancé, on a profité de ses derniers jours de vacances pour préparer la chambre du bébé. Nous sommes allés déclarer le bébé avant la naissance à la mairie afin qu’il porte le prénom de son Papa dès sa naissance. Nous décidions que je resterais vivre chez mes parents encore une année et que je continuerais mes études de droit à Toulon et lui continuerait son école d’ingénieur à Caen. Nous décidions aussi de nous fiancer fin octobre et de se marier l’été 2012. Nous pourrions alors enfin démarrer notre vie à Caen dès la rentrée de septembre 2012.
Mes amies et nos parents nous ont beaucoup soutenus. Après la prise de sang, Maman m’a prise directement dans ses bras et a dit au bébé dans mon ventre : « tu es un bébé de l’amour, tes parents t’aiment, on t’aime ».
Lorsque j’ai appelé le papa sur Skype, angoissée par sa réaction, il était secoué et pas très bien, mais je m’y attendais. Il lui a fallut un peu de temps et puis il était heureux. La peur que nous avions était celle des autres. Nous venons d’un milieu assez traditionnel et même si je savais que le papa de mon bébé était l’homme de ma vie : avoir un bébé avant le mariage n’est pas du tout bien vu … Et je n’y ai pas échappé ! Petit à petit, le bruit s’est répandu : « elle est enceinte ». Les paroles blessantes ont été dures à encaisser, les paroles accueillantes nous ont fait du bien. Nous avons aussi eu la chance d’être accompagnés par un prêtre qui nous a beaucoup soutenus. Ses paroles étaient rassurantes et il nous a protégé. Malheureusement, les paroles les plus malveillantes prononcées par la bouche de plus proches amis de la famille restent et resteront à jamais dans la tête.
Le soir de ma prise de sang, je m’étais couchée encore avec mon léger petit ventre de quelqu’un qui aurait un peu trop mangé, je me suis réveillée, le lendemain, enceinte avec un très gros ventre ( de 6 mois ! ) qui était complètement sorti ! En l’espace d’une nuit, mon bébé qui s’était caché depuis tout ce temps, avait enfin pris sa place et je le sentais bouger. J’aimais ça, je l’aimais déjà… A partir de ce moment là, la relation avec mon bébé est née. Je suis devenue comme une louve qui protège son petit. Mon petit garçon est né le 22 novembre. Nous avons un lien assez fusionnel tous les trois. Je reste encore marquée par cette période, cette capacité pour un bébé de se cacher autant de temps, de laisser le temps à sa maman d’accepter sa présence. Il a fallu une nuit pour que mon ventre triple de volume. Il se savait aimé. Mon petit garçon a aujourd’hui 6 ans. Cette histoire nous a tous soudé. Le prêtre de notre paroisse qui nous a suivi et entouré, a baptisé notre petit garçon et nous a marié. Avec mon mari, nous avons surprotégé notre petit garçon.
Aujourd’hui, j’ai une petite fille de 17 mois, et je n’ai pas du tout vécu la même grossesse. Les symptômes étaient décuplés comme si mon corps me disait » attention, tu portes la vie, sache le… » J’ai vécu une longue grossesse… 9 mois c’est long! Ce qui a été dur, c’était de faire des choses que je n’avais pas faite lors de ma première grossesse : avoir un beau faire-part pour elle, ce que je n’avais pu faire pour lui, découvrir les premiers mois de grossesse…
Désormais, je fais attention aux gens autour de moi et j’ai du mal à accorder ma confiance. Cette histoire est loin derrière nous, mais restera toujours dans nos têtes.
Je dirais que le déni de grossesse est connu depuis peu. Il faut en parler. Nous ne sommes pas des femmes idiotes qui ne savent pas qu’elles sont enceintes. Une grossesse n’est pas forcément égale à une interruption des règles et aux nausées. Chaque femme est différente. De plus, j’ai beaucoup culpabilisé sur ce que j’ai pu faire ressentir à mon fils in utero. Je culpabilise toujours.
Alors, je donnerai ce conseil aux mamans qui vivront cela : dès que vous saurez qu’il est là, dites lui que vous l’aimez, parlez lui tout le temps. Rassurez –le en lui disant que vous l’aimez, que ce n’est peut être pas le bon moment mais que vous l’aimez.
On dit qu’une grossesse dure 9 mois pour que le bébé ait le temps de se former mais je pense aussi pour que la maman ait le temps de se préparer à sa venue…
Propos recueillis par MG Gérard