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Est-ce qu’avoir un frère ou une sœur porteur de handicap nous donne un statut particulier ? Aujourd’hui, nous avons souhaité donner la parole à des sœurs d’enfants porteurs de handicaps. Dans les articles ou les études consacrés à ce sujet, on parle en effet rarement de la fratrie dans son ensemble.
Marie, Anne-Laure, Nathalie et Pauline nous partagent des bribes de leur enfance. Elles donnent leurs conseils personnels aux parents touchés par le handicap de leur enfant.
Marie vient d’une famille de 3 enfants. Elle est la deuxième et son frère aîné, Paul, est trisomique. Toute son enfance, bien qu’elle ait toujours été plus mûre et plus capable de faire beaucoup de choses que son grand frère, elle a refusé d’être traitée comme l’aînée de la famille.
Elle se souvient que les gens extérieurs à la famille s’adressait toujours à elle comme à l’aînée. Elle faisait toujours savoir que non, c’était Paul le grand. Aujourd’hui encore, elle le rappelle régulièrement.
Anne-Laure a témoigné du même sentiment, mais dans l’autre sens. Elle est la grande sœur de Clément, autiste. Elle se souvient d’avoir toujours cherché à garder jalousement sa place de petite dernière, que ses parents et leur entourage avaient tendance à oublier. Aujourd’hui elle explique qu’elle aimait être la plus petite de la famille mais elle pense aussi, qu’inconsciemment, elle sentait qu’il n’était pas juste pour son frère d’être toujours considéré comme le bébé de la famille.
Marie, Anne-Laure, Nathalie et Pauline ont toutes exprimé le fait qu’elles avaient toujours pu parler librement du handicap de leur frère ou sœur avec leurs parents. Cela leur semble essentiel. Nathalie se souvient qu’elle a appris la trisomie de sa sœur Céline à la maternité alors que ses parents l’avait découverte quelques heures avant.
Pauline dont l’un des frères, Thibaut, est polyhandicapé a toujours été tenue au courant des problèmes de son frère et des progrès qu’il pourrait ou non faire. Elle met cependant un bémol. Attention à ne pas donner trop d’informations médicales aux frères et sœurs. Il faut penser à respecter la légèreté de leur enfance. Elle se souvient que ses parents répondaient à ses questions mais n’allaient pas au-devant d’elles. Selon elle, ils ont réussi à trouver le bon dosage.
Les sœurs qui ont témoigné pour cet article ont été élevées dans les années 80-90. A cette époque, on emmenait moins qu’aujourd’hui les enfants chez le psychologue. Elles pensent toutes maintenant qu’elles étaient des petites et des jeunes filles bien dans leur peau, notamment grâce au dialogue ouvert dans leur famille. Cependant, elles admettent qu’une ou deux séances de psy auraient pu leur faire du bien. Toutes ont exprimé l’idée que si elles avaient eu, ou devaient avoir un enfant handicapé, elles emmèneraient leurs autres enfants pour au moins une consultation.
Les parents des jeunes femmes qui ont témoigné n’étaient pas des parents parfaits ! Marie, la petite sœur de Paul, exprime un vrai regret. Elle a toujours entendu ses parents défendre son grand frère. Elle se souvient qu’enfant jamais, ô grand jamais, sa petite sœur ou elle ne pouvaient critiquer Paul. Elles ne pouvaient non plus se moquer de lui.
Aujourd’hui, elle pense que cela a été une source de frustration et de jalousie pour elles. « Comme tous les enfants, les enfants trisomiques ont des défauts ou font des bêtises », dit-elle. Ne pas pouvoir dire un mot de travers contre son frère sous prétexte qu’il est handicapé ne me semble pas être une bonne solution. Les parents d’enfants handicapés cherchent beaucoup l’égalité pour leur enfant. L’égalité passe aussi par des mauvais côtés !
Pauline a d’excellents souvenirs de son enfance. Parmi eux, certains samedis où des amis venaient chercher Thibaut pour s’occuper de lui toute la journée.
Les parents de Pauline qui étaient bien accaparés par Thibaut le reste du temps étaient alors 100% disponibles pour leurs autres enfants.
« Mon frère était en fauteuil et appareillé. Du coup, nos sorties en famille étaient toujours limitées ou compliquées. Sortir une fois de temps en temps comme une famille « normale », sans attirer les regards sur nous, était une grande source de joie. »
De ces 4 témoignages, il est ressorti un message très positif. Nous espérons, qu’il viendra rassurer les parents qui ont peur de ne pas s’occuper assez de leurs enfants non handicapés par rapport à leur frère ou leur sœur.
Spontanément, Marie, Anne-Laure, Nathalie et Pauline nous ont dit qu’elles avaient été peu jalouses dans leur enfance de l’attention donnée par leurs parents à leur frère ou leur sœur handicapé. Attention parfois tellement plus grande que pour elles.
« J’ai toujours compris que ma sœur avait besoin de plus d’attention que moi, nous a dit Nathalie. Ça me semblait normal et ça me le semble toujours. »
« Reconnaître que Paul avait tellement plus besoin de l’aide de mes parents que moi me semblait naturel. Cela m’a aidée aussi à me construire comme jeune fille et à devenir quelqu’un d’indépendant », a écrit Pauline.
« Je n’aurais pas aimé que mes parents cherchent à compenser auprès de moi absolument toute l’attention qu’ils ont donné à ma sœur. » conclue Nathalie.
Les enfants ne sont pas stupides, ils voient bien quand un des enfants demande plus d’attention. Ils savent que c’est le rôle des parents de la donner. On se rend compte aussi qu’avoir moins d’attention est en réalité positif. Nous on va bien, on peut se débrouiller. C’est beau de pouvoir mesurer sa chance. »
Propos recueillis par Mathilde Paterson
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