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L’épuisement maternel. Ces mots résonnent encore dans le cœur de Camille, 32 ans. Enceinte de son quatrième enfant, elle accepte de nous raconter cette période sombre de sa vie de mère. Alors qu’elle avait trois enfants en bas-âge, elle s’est mise à ressentir un épuisement physique et psychologique intense, qui l’a peu à peu conduit à une totale perte de confiance en elle. Une douloureuse descente au plus profond d’elle-même dont elle est finalement sortie victorieuse ! Cette épreuve rencontrée par de nombreuses mères peut être l’occasion d’une meilleure connaissance de soi et de ses propres limites.
« J’ai vécu un burn-out ou dépression lorsque nous sommes arrivés en région parisienne. A l’époque, je ne travaillais pas pour m’occuper de nos trois enfants en bas-âge et mon mari avait des horaires complètement différents de ce que nous avions connu en province. Beaucoup de travail et des déplacements réguliers sur plusieurs jours. Il partait en moyenne le matin vers 7h00 pour ne rentrer qu’à 22h chaque soir. Autrement dit, j’avais les enfants non-stop du réveil jusqu’au coucher ! Heureusement nous habitions à 500 mètres de chez mes parents, ce qui permettait d’avoir de l’aide.
Comme je suis d’un tempérament dynamique, je me suis très vite engagée dans plusieurs activités pour sortir un peu de chez moi et voir autre chose : chantiers-éducation, associations de parents d’élèves, prière des mères… Un agenda chargé avec une journée pour mes activités grâce à l’aide de ma maman, qui s’occupait de récupérer mes enfants à l’école un midi par semaine, car je ne pouvais pas les mettre à la cantine. Pour arrondir les fins de mois un peu justes, je donnais des cours particuliers le samedi. Il m’arrivait d’enchaîner trois familles, ce qui me prenait une grosse partie de la journée et amputait sérieusement notre week-end familial.
Au bout d’un an, nous avons appris que ma maman avait un cancer du pancréas. Alors là, c’était la panique à bord ! Elle devait d’abord subir une opération très risquée avant d’avoir de la chimiothérapie. Les perspectives n’étaient pas bonnes du tout et nous pensions qu’elle en avait pour trois mois tout au plus. J’étais sous le choc en réalisant que mes parents n’étaient pas éternels. Ce sont beaucoup d’inquiétudes et de préoccupations qui apparaissent subitement. Et concrètement, au quotidien, beaucoup moins d’aide.
Le mal-être s’est installé petit à petit. Le bruit et l’agitation des enfants devenaient exaspérants. J’avais l’impression que mes enfants devenaient horribles, qu’ils faisaient exprès de désobéir, exprès de se disputer, exprès de faire des bêtises… juste pour m’embêter ! Et moi je n’arrêtais pas de crier sur eux, j’en venais à les détester. Je me sentais enfermée. J’avais l’impression qu’il n’y avait pas d’issue possible « pour échapper à mes terribles enfants ». Reprendre le travail ? Je ne m’en sentais pas capable. Je subissais. Et je détestais ma vie. J’avais l’image d’un canoë qui essaie en vain de remonter le courant d’un torrent furieux.
Et puis toutes les mamans de mon entourage me semblaient bien meilleures que moi : l’éternel sourire aux lèvres, le gâteau fait maison à l’heure du goûter, les enfants qui font plein d’activités, la maison toujours propre et bien rangée. J’avais le sentiment d’être nulle à côté avec mes surgelés et mes pâtes, mon tas de linge sale et de repassage énorme, mes enfants odieux….
Mon mari avait un rythme de dingue et rentrait fatigué. Je me faisais du souci pour lui, pensant qu’il allait finir par faire un burn-out à force d’avoir un agenda aussi chargé (j’étais sensibilisée au sujet, car ma grande soeur en avait fait un quelques années auparavant). Nous nous voyions peu dans la semaine : le soir après 22h et le dimanche (puisque le samedi était consacré à mes cours particuliers). Au fur et à mesure, j’ai eu l’impression d’être comme une mère célibataire. Je prenais bon nombre de décisions seule sans le consulter et la totalité des tâches ménagères et des enfants m’incombait. En plus, il a demandé sa mutation en province, qui a été acceptée, et nous étions dans l’incertitude complète de savoir si un autre déménagement allait se concrétiser dans l’année… Encore un stress supplémentaire ! »
Mon refuge était devenu le chocolat et les gâteaux. Ce qui fait que j’ai pris 10 kg en moins de 6 mois. Le soir en rentrant de l’école , les enfants allaient jouer dans leur chambre et moi, je m’installais à la cuisine à grignoter avec mes idées noires. Je n’avais envie de ne rien faire et je faisais le minimum pour les bains et le dîner. Mon seul objectif : 20h, l’heure du coucher des enfants. A force, je commençais à me mettre à pleurer pour un rien et me sentais épuisée rien qu’à l’idée de m’occuper des enfants. Je n’arrivais plus trop à dormir et devenais hyper irritable.
C’est en tapant un jour sur internet les mots « maman épuisée, à bout… » que j’ai commencé à réaliser que ma situation n’était pas normale et que quelque chose ne tournait pas rond. Je suis tombée sur des articles parlant du burn-out des mères au foyer. J’ai décidé d’aller consulter mon médecin traitant, sans en parler à mon mari, pour tout lui déballer. Elle m’a beaucoup écoutée. Puis m’a rassurée en me disant que c’était normal d’être à bout avec toutes ces inquiétudes et ce stress permanent sur la santé de ma maman, un possible déménagement… Elle m’a ensuite conseillé de changer complètement d’organisation : il me fallait de l’aide (surtout de la part de mon mari) et que mes enfants aillent à la cantine.
Elle m’a donné un antidépresseur, du prozac, en me disant que c’était une aide pour passer ce cap difficile. Juste pour quelques mois. Se voir prescrire des antidépresseurs a été un choc pour moi. J’ai pris conscience de ma fragilité. Moi, qui suis plutôt du genre fière et un peu orgueilleuse, cela fait tomber de haut ! Pour la première fois, j’ai eu le sentiment d’avoir échoué quelque chose… Les premières semaines, le médicament m’a fait dormir. J’étais bien fatiguée après tant de nuits sans sommeil. C’était agréable de dormir enfin d’une traite.
Lorsque j’en ai parlé à mon mari, il était sous le choc. Il n’avait pas réalisé que je n’allais pas bien. Tout de suite, il a changé ses horaires et était présent une fois par semaine le matin pour préparer les enfants à l’école. Il rentrait plus tôt le soir (21h00…) et s’est mis à faire du repassage, ainsi que des tâches ménagères. Ensuite j’ai levé le pied sur mes activités. J’ai mis ma dernière à l’école en pré-maternelle toute la journée avec la cantine une fois par semaine. Après ses premières chimiothérapies, l’état de ma maman s’est stabilisé et nous avons été moins inquiets.
En parallèle, j’ai fait partie d’un groupe « Marthe et Marie » qui proposait un cycle de conférences, de partage et de prière sur la place de la femme dans la famille, la société et l’église. Cette réflexion m’a beaucoup apporté. J’ai réfléchi au sens de ma vie, à ma vocation, à mes priorités et surtout au sens du service, du don de soi que l’on fait à sa famille quand on décide de rester mère au foyer. J’ai aussi appris l’humilité, à accepter mes fragilités et à ne pas me mettre la barre trop haute…
Petit à petit, j’ai remonté la pente. Je pleurais de moins en moins. J’ai recommencé à faire quelques petites choses avec plaisir. J’ai commencé à parler avec des amies et me suis aperçue que je n’étais pas la seule à trouver difficile de s’occuper de ses enfants au quotidien. Une amie m’a dit qu’elle avait été dans mon cas deux ans auparavant ! J’ai été étonnée de voir à quel point ce sujet était presque tabou ! Je me suis aperçue que derrière chaque femme au foyer il y avait des difficultés, des moments d’abattement, de fatigue, de doute… Bref, on est toutes dans la même galère et je ne suis pas plus nulle qu’une autre !
Des livres aussi m’ont aidée. Le manuel de survie d’une mère de famille de Holly Pierlot, J’arrête d’être débordée de Barbara Meyer et Isabelle Neveux, Fabuleuse au foyer de Hélène Bonhomme. De quoi remettre de l’ordre dans mes priorités et reprendre confiance en moi. J’ai repris le contrôle de ma vie. Je suis allée voir une nutritionniste pour m’aider à perdre mes 10 kg.
J’ai diminué mes exigences. Mes enfants ne se lavent pas tous les jours ? Ce n’est plus un drame ! Ils mangent quelquefois avec les doigts, et alors ? J’ai appris à dire non à certaines sollicitations et à refuser de décaler un cours, si c’était trop contraignant pour moi et ma vie de famille ! Je me suis essayée à l’éducation bienveillante (discipline positive, etc…) pour moins crier sur les enfants. Bref, j’ai fait le grand ménage dans ma vie !
Lors des grandes vacances j’ai arrêté progressivement mon antidépresseur sur les conseils de mon médecin après six mois de prise. Finalement nous n’avons pas eu à déménager cet été-là. Et à la rentrée j’ai arrêté certaines activités et diminué le nombre de mes élèves de cours particuliers pour que nous puissions retrouver de vrais week-ends en famille. Je suis restée très vigilante sur mon état de fatigue et de nervosité, en faisant en sorte de ne pas faire les choses dans l’urgence. J’ai donné du sens à ce que faisais. Ainsi une corvée auparavant subie (comme préparer un repas) devenait un choix assumé et épanouissant lorsque je le mettais en perspective : il devenait un service rendu à la famille et répondait à ma vocation de mère, ce qui est plus gratifiant. J’ai réussi à perdre 14kg, ce qui m’a procuré une grande fierté et le sentiment d’avoir repris le contrôle !
Deux ans sont passés et nous avons choisi d’avoir un quatrième enfant. Nous avons déménagé cet été et sommes retournés vivre en province. Mon mari a des horaires bien plus adaptés et nous n’avons plus besoin de revenus supplémentaires. Il est présent le soir pour coucher les enfants et il a vraiment mis la main à la pâte pour les tâches ménagères. Ma maman est décédée il y a un mois. Encore un coup dur ! Beaucoup de sources d’inquiétudes et la peur de se laisser à nouveau submerger. Je sais maintenant que je suis fragile et que j’ai besoin d’aide. Donc cantine et aide ménagère obligatoires pendant la grossesse !
En ce moment, je râle beaucoup sur mes enfants et je me remets à crier et à grignoter un peu… Je crois que j’aurai toujours besoin de me remettre en question et de rester vigilante. Et puis, je dois faire attention à ne pas vouloir faire trop de choses et à laisser à mes enfants le temps de grandir. Je n’ai pas repris d’engagement pour garder du temps pour moi et pour mon bébé quand il sera né.
Je souhaite de tout cœur que mes enfants n’aient pas trop souffert de ce gros passage à vide. Je crois que je leur en parlerai quand ils seront plus grands. C’est important qu’ils n’aient pas l’illusion que le rôle de femme au foyer est facile… On fait comme on peut, mais pas forcément comme on veut ! Je voudrais rester une maman épanouie, qui se lève avec plaisir le matin, qui est contente de retrouver ses enfants après l’école et qui arrive à passer du bon temps avec eux en lisant une histoire ou en faisant un jeu. Rien de moins ! »
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