Parler à notre enfant de consentement et de liberté n’est pas facile. Cela évoque dans nos esprits d’adultes tous les dangers auxquels nos enfants peuvent (vont ?) être confrontés. La notion de consentement évoque chez nous une question d’intimité, parfois même de sexualité. En réalité, le consentement ne se limite pas aux questions du corps. Le consentement s’exerce dans tous les domaines d’une relation (avec ses parents, avec des amis, avec son conjoint). Eduquer dès le plus jeune âge nos enfants au consentement les protègera plus tard de toutes sortes d’abus.
L’éducation au consentement commence au plus jeune âge. Dans toutes les occasions de la vie de famille, dès tout-petits, on peut apprendre aux enfants qu’ils ont le droit de dire « non » si la situation les rend inconfortables. Toute la difficulté réside dans l’apprentissage des domaines où l’enfant peut exprimer une opposition. Sinon, assez rapidement, on pourra entendre un « non, je ne veux pas ranger ma chambre… »
Evidemment, tout le sujet du consentement tourne en premier lieu autour du corps. Notre génération a pour elle de faire émerger beaucoup d’histoires sordides et d’ainsi faire prendre conscience aux parents d’aujourd’hui de certains points de vigilance. Le revers de la médaille, c’est aussi qu’on peut être toujours en hypervigilance sur ce sujet.
On a eu tendance à dire à nos enfants « personne n’a le droit de toucher ton corps si tu n’es pas d’accord ». C’est certes vrai. Mais parfois, c’est difficile pour un enfant se savoir s’il est d’accord ou pas… Finalement, c’est oncle-Machin-que-je-connais-bien ou coach-Truc-que-je-vois-3-fois-par-semaine…
Il vaut mieux dire du coup « personne n’a le droit de toucher ton corps« . C’est tout. Personne. Sauf si tu le demandes parce que tu as besoin d’aide pour te laver. Et sauf si c’est le docteur et que Papa/Maman sont là. C’est tout.
Quid des baby-sitters, des grands-parents qui donneraient un coup de main pour les douches pendant les vacances ou en sortie d’école ? Les enfants sont capables de sa laver seuls très tôt. Vers 2 ans, ils peuvent laver leurs parties intimes sans l’aide d’un adulte. Prenez le temps de lui montrer sur vous, comment vous faites en mimant dans la salle de bain. Pendant la douche, on peut rester à côté de la baignoire pour les encourager à bien passer partout. Cela suffit.
La vie de famille est un excellent entrainement pour la vie extérieure. Ce « laboratoire » permet à l’enfant d’expérimenter les relations humaines et les conséquences de ses actes. Apprenez à vos enfants à recueillir les consentements de leurs frères et sœurs ! Au delà des règles élémentaires de politesse, c’est aussi un bon moyen de les entrainer. « Est-ce que tu es d’accord pour me prêter telle chose ? Est-ce que tu es d’accord pour que je joue avec toi ? »
De la même manière, ayez ce réflexe avec vos enfants quand cela a du sens. « Est-ce que tu es d’accord pour que je rentre dans ta chambre, pour que je fouille dans ton cartable… ? A vous, évidemment, de juger si c’est opportun sur le coup, mais ce réflexe a sans conteste beaucoup de vertus.
Pour ce qui concerne le rapport au corps de vos enfants, il faut évidement respecter leur pudeur. Les enfants sont plus ou moins à l’aise dans leur corps et se cacheront plus ou moins vite pour ne pas être vus de leurs frères/sœurs/parents. En règle générale, les enfants deviennent pudiques vers 6/8 ans. Cela peut être avant, ou après. Il est essentiel de les encourager dans leur pudeur sans pour autant faire du corps un sujet tabou !
Tout le monde a un corps ! Vous, eux, les autres personnes de leur entourage. A partir du moment où on a expliqué aux enfants la différence entre un garçon et une fille, la manière dont on a des bébés, bref, abordé les vraies questions, on peut leur enseigner la valeur de leur corps.
Certes, tout le monde a un corps. Mais ce corps est précieux, privé et personne ne le touche. C’est grâce à ce corps que l’on peut vivre, tout faire, montrer aux autres qu’on les aime et ensuite, donner la vie. Quel cadeau ! Apprendre à vos enfants que leur corps est beau, précieux est réellement vital pour eux et pour le développement des adultes qu’ils seront. Ne raillez jamais les corps de vos enfants ou de votre conjoint. La richesse de l’humanité se trouve dans la diversité des corps qui la compose.
Apprendre à nos enfants la notion de consentement n’empêchera peut-être pas qu’ils soient victimes d’un adulte ou d’un autre enfant malveillant. Créer dans votre foyer un espace de confiance, une vraie « safe place » doit être l’un de vos objectifs prioritaire d’éducation. Pour que vos enfants osent vous parler, vous devez apprendre à les écouter. Tout le temps. Même (surtout !) quand ce n’est pas le bon moment. Ne fuyez pas les questions engageantes et répondez toujours la vérité.
Il me semble que l’explication des choux et des roses n’a plus lieu d’être. Dites la vérité à vos enfants pour qu’ils sachent qu’ils peuvent compter sur vous. A chaque instant. Si vous ne connaissez pas la réponse à une question, répondez que vous allez vous renseigner et prenez le temps ensuite de leur répondre. Pour ne jamais être pris au dépourvu face aux questions de vos enfants, (in)formez vous ! Il existe beaucoup de très bons livres, sites internet, pour expliquer les grandes questions de la vie aux enfants. Comment on fait des bébés ? C’est quoi la mort ? Pourquoi on n’a pas tous la même couleur de peau ? Autant de questions essentielles dans la tête de vos enfants auxquelles vous devez répondre sans hésitation et sans gêne. N’oubliez pas que leurs esprits sains et innocents d’enfants ne voient pas les travers et les dérives du monde des adultes ! Surtout, ayez bien en tête que, comme pour la plupart des sujets « sensibles », plus on les évite, plus nos enfants iront chercher la réponse tous seuls… Et là, nulle garantie que la source d’information soit aussi saine et fiable qu’espéré !
C’est en voyant qu’ils peuvent compter sur vous dans toutes les petites (et grandes) questions du quotidien qu’ils viendront vous voir le jour où l’échange sera plus grave.
Dans nos familles, dans notre entourage, on a parfois des habitudes qui, une fois questionnées, nous interpellent quant au message qu’elles font passer à nos enfants.
Faire dormir tous les enfants dans la même chambre pendant les vacances, tous âges confondus… Exiger que nos enfants embrassent les oncles et tantes qu’ils ne connaissent pas… Faire du chantage au câlin, à l’histoire, au bonbon… Parfois ces situations ancrées depuis longtemps dans nos rites familiaux ne sont pas bénéfiques pour nos enfants.
Prenez le temps de regarder avec un nouvel œil certaines pratiques « habituelles » de vos familles. N’ayez pas peur de donner votre point de vue ! Je me souviens par exemple que dans la maison de mes parents, nous avions l’habitude de faire dormir mes enfants avec le dernier (jeune) oncle célibataire pendant les vacances. Un jour, mon mari m’a tout de même fait remarquer que sans douter de l’intégrité de mon frère, le fait d’habituer nos enfants à dormir avec un adulte n’était pas du tout une bonne idée. L’habitude était tellement ancrée dans notre organisation familiale que cela ne choquait plus personne ! Pourtant, quand on y réfléchit à tête reposée, cela n’a effectivement aucun sens…
L’éducation au consentement n’empêchera (malheureusement) pas certains de nos enfants d’être abusés. Mais le fait de leur apprendre à respecter un « non » aura au moins la vertu de ne pas les entraîner dans un rôle de bourreau plus tard…
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