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Transmettre une maladie à ses enfants

 
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Transmettre une maladie orpheline à ses enfants
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Mon mari est porteur d’une maladie orpheline. Cette affection a plusieurs expressions, variant d’un individu à l’autre.

Le parent porteur a une chance sur deux de transmettre le gène défectueux à ses enfants. Ceux-ci, s’ils en héritent, ont une chance sur deux que la maladie s’exprime et, dans ce cas, neuf chances sur dix qu’elle soit de la même forme.

Une maladie « bienfaisante » …

Pour mon mari, il s’agit de la forme la plus bénigne, qui est purement esthétique.

Au début de notre relation, je me suis posé la question du regard extérieur : « Si je suis avec lui, que vont penser les autres ? ». Je l’ai rapidement résolue par la réponse à d’autres questions : « Qu’est-ce que cela peut faire ? Qu’est-ce que cela change ? Rien ».

Au fur et à mesure que je découvrais les qualités de mon futur mari, je réalisais que les plus précieuses, en tout cas celles qui me plaisaient le plus, étaient étroitement liées à sa maladie : humilité, bonté, bienveillance, accueil de l’autre sans jugement : « Qui suis-je pour juger les autres, moi qui suis laid ? ». Cela m’a fait aimer cette maladie, la trouvant bienfaisante. C’est donc avec gratitude envers cette maladie que je me suis mariée. Mais ce fut une toute autre histoire avec nos enfants…

… ou inquiétante et omniprésente ?

Quand elle est apparue chez mon aînée, j’ai trouvé cela « juste » : j’avais pris un risque, j’avais « perdu ». Quand ce fut le tour de mon deuxième enfant, j’ai trouvé cela moins drôle (on avait dit une chance sur deux de transmettre, pas deux sur deux !). Au troisième, j’en ai pleuré, car je n’avais pas du tout signé pour ça. Il me restait alors l’espoir que la maladie ne s’exprimât pas.

J’ai totalement oublié son existence chez mes enfants jusqu’aux sept ans de ma fille aînée, quand on lui a découvert un « truc bizarre ». S’est alors enclenchée une série de rendez-vous médicaux assez stressants. Nous avons eu peur que ce soit grave. Ce ne le fut pas. En revanche, d’inexistante, la maladie est devenue omniprésente avec une organisation familiale tournant autour des rendez-vous réguliers. De bienfaisante, elle est devenue inquiétante…

La maladie a commencé à s’exprimer chez mon fils quand il eut 5 ans, sous la même forme que son papa, mais avec 10 ans d’avance… Il n’y a cependant rien à faire pour lui avant l’âge adulte.

Ma fille cadette, jeune encore, semble avoir la même forme que son père, donc avec quelques années d’avance aussi. Elle a, en outre, une malformation dans la bouche qui demande une opération un peu lourde, suivie d’une surveillance médicale jusqu’à l’âge adulte, moment où elle commencera un suivi plus intense de sa maladie génétique.

Une maladie à apprivoiser mais et qui me bonifie !

Heureusement, mon mari n’a jamais ressenti aucune culpabilité : il n’a rien fait pour l’avoir ; il n’a rien fait pour la transmettre. Quant à moi, à la limite, ce fut un choix : j’ai épousé en toute connaissance de cause un homme porteur d’une maladie et susceptible de la transmettre à ses enfants.

En revanche, cela a modifié mon approche des autres : avant, quand je rencontrais une personne porteuse d’un handicap, je « réduisais » cette personne à son handicap quand celui-ci était envahissant, comme dans le cas d’une trisomie. Aujourd’hui, cette personne m’apparaît bien plus grande que son handicap, qui n’est pour moi désormais qu’une partie d’elle-même. Evidemment, je le savais déjà avant. Mais c’était théorique. Intellectuel. Aujourd’hui, c’est vécu avec le cœur.

Avec l’arrivée dans notre quotidien d’un nombre important de rendez-vous médicaux, il a fallu trouver un juste rapport avec la maladie : entre son absence durant la toute-petite enfance de nos enfants et son omniprésence ensuite. Mon mari trouvait que j’en faisais trop et, moi, j’avais peur de passer à côté de quelque chose pouvant améliorer la santé de mes enfants.

Des chemins à trouver

Deux « événements » m’ont libérée.

Le premier fut la décision d’arrêter de voir un pédiatre, spécialiste, mais très culpabilisant. En décidant cela, je prenais le risque de ne pas en trouver d’autre, donc de ne pas avoir le suivi médical qui me paraissait idéal. Ce qui est le cas aujourd’hui mais la famille s’en trouve mieux : ce n’est plus la maladie qui dirige notre emploi du temps et le suivi médical existant est bien suffisant !

Le second fut de réaliser que je vivais la maladie à travers mes enfants alors que cette maladie leur appartient. Ce sont eux qui en sont porteurs, pas moi. En revanche, cette maladie a quelque chose à m’apporter à moi aussi. Réaliser cela m’a libérée d’un énorme poids d’inquiétude. M’attacher à mon chemin me fait prendre du recul sur ce que mes enfants doivent vivre. J’ai arrêté dès lors de m’inquiéter pour leur avenir : ce sera à eux de le gérer et à leur manière, pas à moi. C’est à moi de leur donner force et confiance pour y arriver.

Des questions et des conséquences inattendues

Quand mes enfants me demandent pourquoi ils sont malades et pas moi. Je leur réponds que c’est pour mieux m’occuper d’eux ; et qu’être différent empêche généralement de devenir orgueilleux, arrogant ou prétentieux, ce qui est la meilleure chose qui puisse arriver à quelqu’un ! Cette réponse ne les satisfait pas. Je les comprends. Mais je n’en n’ai pas d’autre.

Il est vrai qu’il est assez étrange d’être la seule de sa famille à ne pas être malade. D’habitude, c’est l’inverse. De plus, chez nous, la rareté est la norme : mes enfants ont une maladie rare (les médecins non spécialistes me disent qu’ils connaissent la maladie pour l’avoir étudiée mais sans jamais avoir vu de patient), la forme chez ma fille aînée est rare et la malformation de la bouche de ma fille cadette est rare aussi.

Les nombreux rendez-vous médicaux qui faisaient beaucoup manquer la classe à ma fille aînée m’ont décidée à lui faire l’école à la maison. J’ai tellement aimé l’expérience que j’ai continué avec mes deux autres enfants ! Ainsi, la maladie m’a donné le courage de prendre une décision inhabituelle pas toujours comprise par l’entourage, tout en désamorçant d’avance les critiques : on est plus indulgent pour les malades !

Et si j’avais le choix ?

Les rendez-vous hospitaliers, notamment au sein d’un service d’oncologique pédiatrique, me font beaucoup relativiser : nos enfants n’ont rien à côté d’autres ! Par ailleurs, l’évolution de la maladie chez ma fille aînée aurait pu être problématique, avec un traitement médicamenteux lourd. Ce ne fut pas le cas. La malformation dans la bouche de ma fille cadette aurait pu être détectée et opérée à un âge plus tardif, ce qui aurait impliqué un suivi plus important. Nos enfants auraient également pu avoir une forme plus embêtante de leur maladie.

Ainsi, nous sommes très chanceux et, à tout prendre, en pesant le pour, le contre et la balance bénéfice-risque, nous sommes gagnants. Aussi, si j’avais le choix, je ne changerais rien : les enfants sont porteurs d’une maladie, qui complique notre quotidien certes, mais son expression n’est pas si grave et cela leur apprend ce qu’il y a de plus important au monde : l’humilité, la bienveillance et l’accueil des autres quels qu’ils soient.

Camille

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